Comment apprendre à apprendre ?
Extrait d’un article de François Taddéi, chercheur en génétique moléculaire
Aujourd’hui, notre système éducatif sélectionne ses éléments sur leur capacité à mémoriser des leçons. Pas sûr que ce soit une bonne méthode, puisque n’importe quel ordinateur est plus doué que nous…
Or, la technologie transforme chaque jour un peu plus le monde en laboratoire.
La Nasa est allée sur la lune avec un ordinateur qui était moins puissant que n’importe lequel de nos smartphones.
Désormais, l’intelligence est dans chacune de nos mains, une simple lentille qui coûte seulement quelques euros peut transformer n’importe quelle caméra de ces appareils en un microscope plus puissant que ceux dont on se sert en cours.
C’est pourquoi nous allons avoir besoin, plus que jamais, d’interdisciplinarité. Nous allons avoir besoin partout de collectifs toujours plus importants pour apprendre, travailler, découvrir, innover… »
Or, force est de constater que la pédagogie, elle, n’a pas progressé aussi vite que la science. Rien ne ressemble plus à une salle de classe d’aujourd’hui qu’une salle de classe du Moyen-Âge. Même si désormais 150 000 personnes peuvent suivre le même cours sur un Mooc, la pédagogie, elle n’a pas vraiment changé. Si les possibilités d’accès au savoir se sont élargies, l’échange, lui, est resté largement unilatéral. Comment changer cela? Comment réinventer la connaissance? Comment innover? Combien de nos barrières mentales sont tombées? Combien en avons-nous encore devant nous ?
Humboldt, naturaliste du 18ème siècle, proposait déjà de passer à la liberté d’apprendre, d’enseigner et de recherche… Mais ce n’est pas vraiment ce que l’on retrouve aujourd’hui dans les universités.
Le professeur, ne devrait pas tant délivrer le savoir, que servir de mentor, accompagner les étudiants dans leurs projets personnels…
Pour François Taddéi, nous avons besoin de créer les conditions de développement de toutes les formes d’intelligence.
Geoff Mulgan, fondateur du think tank Demos, estimait qu’il y avait 3 niveaux d’intelligence : un niveau individuel, collectif et global. Il résumait cela par trois formes de défis: apprendre à résoudre des problèmes existants, apprendre à résoudre de nouveaux problèmes et enfin apprendre à définir et résoudre de nouveaux problèmes.
L’université sait résoudre les problèmes existants, pour résoudre de nouveaux problèmes, il faut être capable de créer de nouveaux départements interdisciplinaires, mais l’université ne sait pas résoudre l’apprentissage à définir et à résoudre de nouveaux problèmes.
Comment créer des outils pour nous aider à définir et résoudre de nouveaux problèmes ? La question reste entièrement ouverte.
Il est important de fournir des cadres qui à la fois offrent des défis et de la liberté. Dans le jeu, les niveaux sont progressifs et vous permettent d’apprendre de vos erreurs. Dans le système éducatif, si l’apprentissage est trop difficile, vous vous démotivez, s’il est trop facile, vous vous ennuyez. Le système scolaire français est l’un des plus inégalitaires qui soit, mais on se rend compte qu’il peut être corrigé quand les enseignants eux-mêmes se transforment en chercheurs, quand, plutôt que de rejeter un élève en difficulté, ils cherchent à l’aider, à se mettre en position d’interroger leurs propres manières de faire pour les améliorer.
Nous avons besoin de cartes de connaissances, à l’image des cartes de localisation, permettant de savoir où je suis, qui est autour de moi, comment aborder ce qui n’est pas cartographié. On a besoin d’avoir accès aux connaissances, mais également aux gens qui sont derrière les connaissances.
Pour mieux apprendre, nous avons aussi besoin de questions. Expliquer pourquoi l’eau mouille n’est pas si simple. Expliquer pourquoi l’on fait cette réponse est encore moins simple. Il suffit de quelques pourquoi pour accéder aux frontières de la connaissance.
Aucun d’entre nous n’est plus intelligent que l’ensemble d’entre nous. L’essentiel est dans l’ouverture.